Bohouo Kadélé Elvige Vincent (Expert) nous en parle de la Convention internationale des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées
Dans la flopée des lois sur la question des droits de l’homme les Nations Unies, n’ont pas oubliés les personnes handicapées. Logé au dernier pallié de la classe des personnes vulnérables, les multiples conventions sont un acquis. Bohouo Kadélé Elvige Vincent, Consultant Community Based Inclusive Development nous présente ses lois et conventions.
Présentations de la Convention internationale des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées.
Adoptée le 13 décembre 2006 au cours de la soixante-et-unième session de l’Assemblée générale par la résolutionA/RES/61/106, la Convention internationale des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CRDPH) marque un tournant dans l’approche du handicap. Désormais, le handicap n’est plus appréhendé comme une déficience qui empêche l’individu d’interagir avec la société, mais comme une difficulté dans l’interaction avec l’environnement sociétal. C’est à la société de corriger cette difficulté d’interaction pour permettre à la personne handicapée d’exercer pleinement l’ensemble de ses droits. Ratifiée par la Côte d’Ivoire le 10 janvier 2014, cette Convention, bien que porteuse d’espoir pour les personnes handicapées qui constituent 15% de la population, peine encore à être effective sur le terrain.
Pourquoi une Convention relative aux Droits des personnes handicapées ?
La CRDPH ne crée pas de nouveaux droits spécialement dédiés aux personnes handicapées. C’est une convention internationale qui définit toutes les dispositions que les Etats doivent prendre afin de s’assurer que toutes les personnes handicapées puissent jouir des mêmes droits humains que tous les autres citoyens (Cf Préambule). Cette Convention est importante parce que les personnes handicapées subissent constamment la discrimination et de nombreux obstacles dans leur environnement. Souvent, les Etats ne savent pas comment faire en sorte que les personnes handicapées puissent jouir de leurs droits au même titre que tous les autres citoyens. Cette Convention leur sert de boussole. De nombreuses fausses idées sont véhiculées sur les personnes handicapées et très peu de personnes s’attendent à ce que les personnes handicapées soient capables d’accomplir quelque chose. La CRDPH susciter des changements dans les politiques, lois, systèmes, services…
Les principes généraux de la CRDPH
Comme toute Convention entre Etats parties, la CRDPH est guidée par certains principes généraux. Au nombre de 8, ces principes généraux de définissent comme suit :
Les personnes handicapées méritent respect pour ce qu’elles sont et sont libres de faire leurs propres choix. Les personnes handicapées ne doivent subir aucune discrimination. Les personnes handicapées ont les mêmes droits d’être impliquées et de prendre part à la vie communautaire au même titre que les autres. Tout le monde doit respecter la différence et accepter le handicap comme partie intégrante de la diversité humaine. Tout le monde a droit à l’égalité des chances. Tout le monde a droit à un accès équitable à tous les services et infrastructures au sein de la communauté. Les hommes et les femmes ont droit à l’égalité des chances. Les enfants vivant avec handicap méritent respect pour ce qu’ils sont au cours de leur processus de croissance et leurs opinions doivent être prises en compte. Ces principes généraux nous permettent de mieux de comprendre l’esprit de la Convention et de cerner la dynamique qu’elle impulse pour l’inclusion des personnes handicapées.
Les avancées notables en Côte d’Ivoire depuis la ratification de la CDPH
Depuis la ratification de la CDPH le 10 janvier 2014, plusieurs actions sont entreprises par l’Etat ivoirien en faveur de l’inclusion des personnes handicapées et cela est à féliciter et à encourager. On peut citer entre autres :
– Les recrutements dérogatoires réguliers et successifs des personnes handicapées à la Fonction publique depuis 2018. Ainsi 200 personnes handicapées recrutées chaque année.
– Le Code du travail (loi N°2015-532 portant code du travail) qui incite les employeurs à recruter les personnes handicapées, notamment en ses articles 12.1, 12.2 et 12.3 nouveau ;
– Décret N°2018-456 du 09 mai 2018 relatif à l’emploi des personnes en situation d’handicap dans le secteur privé ;
– Loi n°2019‐576 du 26 juin 2019 instituant Code de la Construction et de l’Habitat (JO 2019‐61) : Articles 253 à 260 qui se réfèrent expressément à l’article 9 de la CRDPH relatif à l’Accessibilité.
A coté de ces actions gouvernementales, il faut saluer l’appui des partenaires internationaux comme l’Union Européenne et CBM dans la mise en œuvre de divers projets contribuant à l’atteinte des objectifs de la CRDPH. Il s’agit notamment des projets :
– Seeingis believing ;
– Child Eye Care ;
– Ecole inclusive ;
– Projet de renforcement de la participation politique et citoyenne des personnes handicapées dans les processus électoraux en Côte d’Ivoire ;
– Livelihood.
Positionnement de la CRDPH dans l’ordonnancement juridique ivoirien.
Selon l’article 123 de la Constitution ivoirienne de 2016, « les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque traité ou accord, de son application par l’autre partie. »En d’autres termes, la CRDPH, dans la hiérarchie des normes, prévaut sur les lois nationales, elle est d’application directe dans ses dispositions précises. Il est donc urgent de lui donner plein effet afin que les personnes handicapées puissent jouir des mêmes droits que leurs concitoyens sur un pied d’égalité. Ainsi, la CRDPH est en vigueur en Côte d’Ivoire et tous les textes de Lois, Décrets, Règlements et Circulaires doivent s’y conformer.
Par conséquent, la non-ratification du Protocole facultatif se rapportant à la CRDPH par l’Etat ivoirien n’entache en rien l’obligation pour l’Etat ivoirien de mettre la Convention en œuvre dans son intégralité.
Les défis dans la mise en œuvre de la CRDPH en Côte d’Ivoire
La CRDPH peine encore à prendre forme dans le quotidien des personnes handicapées en Cote d’Ivoire au regard des nombreuses barrières qui subsistes encore et qui freinent leur inclusion. En effet, la CDPH et la majorité des textes de loi adoptés en faveur des personnes handicapées sont largement méconnus tant par les décideurs politiques que par les personnes handicapées elles-mêmes et toutes celles et ceux qui les accompagnent, et que trop souvent encore l’inclusion n’est vue que sous l’angle des coûts à court terme, comme une charge pour la société. Ainsi, les personnes handicapées sont encore victimes de discrimination au niveau de l’accès à l’emploi et autres opportunités d’autonomisation. On assiste même à un déni de ressources et d’opportunités. Nombreuses sont les personnes handicapées qui n’ont pas accès aux services sociaux de base (santé, éducation, loisirs…) à défaut d’infrastructures accessibles.
Depuis la ratification de la CRDPH, la Côte d’Ivoire ne s’est dotée d’aucun comité et encore moins d’un plan d’action pour sa mise en œuvre. Les actions entreprises en faveur de l’inclusion des personnes handicapées manquent donc de planification et de coordination. Difficile donc d’avoir des résultats mesurables et durables dans un tel contexte.
Quelques propositions pour une mise en œuvre effective de la CRDPH en Côte d’Ivoire
Le handicap est une problématique transversale, ce qui signifie qu’il touche presque ou tous les secteurs de notre société. Dès lors, la mise en œuvre effective de la CRDPH ne devrait pas être du seul ressort du Ministère de l’Emploi et de la Protection Sociale. Il conviendrait donc de mettre en place d’un Comité interministériel chargé de l’élaboration d’un plan d’action national pour la mise en œuvre de ladite Convention. Ce Comité devra comprendre des représentants des Organisations des personnes handicapées, conformément à l’article 4, al. 3 de la CRDPH.
Par ailleurs, il serait souhaitable que la Côte d’Ivoire aille au bout de ses engagements en faveur des droits des personnes handicapées en procédant à la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la CRDPH. A travers cet acte la Côte d’Ivoire « reconnaît que le Comité des droits des personnes handicapées (« le Comité ») a compétence pour recevoir et examiner les communications présentées par des particuliers ou groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou groupes de particuliers relevant de sa juridiction qui prétendent être victimes d’une violation par cet État Partie des dispositions de la Convention. »(Cf. Art.1 du Protocole facultatif)
Que retenir de notre analyse ?
En somme, les 50 articles de la CRDPH imposent à toutes les parties prenantes de la société, notamment à l’Etat ivoirien, de passer d’une approche du handicap fondée sur l’assistance à une approche fondée sur les Droits de l’Homme : la personne handicapée n’est pas un objet de soins, la personne handicapée est un sujet de droits. Cette Convention est aussi une invitation à construire et imaginer différemment notre société ivoirienne. Nous devons nous engager résolument dans une dynamique irréversible d’inclusion les personnes handicapées. Parce qu’elles savent mieux ce dont elles ont besoin, nous devons imaginer avec elles les solutions pour qu’elles mènent une vie personnelle, citoyenne et professionnelle sur un pied d’égalité avec les autres.
Bohouo Kadélé Elvige Vincent