Monsieur Yacouba KONE (Président CAPH-CI) dresse un triste état des lieux et tire la sonnette d’alarme
- Etat des lieux du handicap en Côte d’Ivoire
- Les chantiers à venir
- Les enjeux et le sens de ses assises nationales
- Koné Yacouba Pdt Caph-CI dévoile les chantiers pour une meilleure prise en compte de la question du handicap
A l’occasion des 10 ans de la Coordination des associations des personnes handicapées de Côte d’Ivoire (Caph-CI), son président situe les enjeux de ses assises et plaide pour un cadre avec les autorités où la question du handicap va trouver des solutions.
Qu’est que le handicap ?
De manière générale, le terme handicap désigne l’incapacité d’une personne à vivre et à agir dans son environnement en raison de déficiences physiques, mentales, ou sensorielles
Qui est appelé personne en situation de handicap ?
Personne en situation de handicap ou personne vivant avec un handicap ou personne handicapée, ces trois expressions ramènent à la même réalité sociale
Nuance ou mauvaise prononciation, que doit t- on dire, personnes en situation de handicap ou personne handicapé ?
Il n’ya pratiquement pas de nuance. Ce qui est recommandée c’est valorisée la personne handicapée en ajoutant à chaque fois ″personne″
En Côte d’Ivoire, quel est l’Etat des lieux sur les questions de prise en charge des personnes handicapées dans les domaines de la santé, l’éducation, le travail ou l’entreprenariat ?
Malgré toutes les avancées dont nous avons fait cas, les personnes handicapées de Côte d’Ivoire rencontrent, dans leur existence quotidienne, beaucoup de problèmes liés à la nature spécifique du handicap. La variété de ces problèmes touche entre autres aux représentations sociales dévalorisantes de la personne handicapée, à l’accessibilité globale, à leur représentativité politique et à la législation globale qui n’intègre pas la spécificité du handicap.
D’abord, les personnes handicapées se heurtent aux problèmes et difficultés d’ordre matériel dans l’organisation de leur vie de tous les jours. Leurs limitations fonctionnelles les empêchent de se faire un chemin dans la vie. Celles-ci touchent spécialement les facultés suivantes : se déplacer, faire des gestes les plus ordinaires, s’exprimer, communiquer, s’adapter au mode de vie et aux usages sociaux. Ensuite, les personnes handicapées connaissent des problèmes et difficultés d’ordre professionnel. Ceux-ci débutent par un enseignement et/ou une formation professionnelle inadaptée aux aptitudes physiques ou mentales résiduelles. Ils se poursuivent et se terminent d’autre part par des préjugés sociaux qui tendent à considérer ces personnes comme incapables d’exercer valablement une activité professionnelle. Enfin, les personnes handicapées rencontrent des problèmes et difficultés d’ordre psychologique et social issus de l’attitude de rejet. Cette attitude même si elle être atténuée, n’est pas encore enrayée de l’esprit des gens qui continuent à prendre la personne handicapée comme un être vivant dans un monde à part. ″En Côte d’Ivoire, la question du handicap est semblable à une femme qui a un très bon tissu mais un mauvais tailleur″. La réalité de la Côte d’Ivoire, c’est de beaux textes mais non appliqués car absence de cadre de suivi.
Vous qui êtes le président d’une organisation des personnes handicapées, le regard des personnes dites normales a-t-il changé ou sommes-nous encore dans un regard de pitié, souvent marginalisé ?
Avant de répondre à cette question, il serait important de présenter les deux conceptions du handicap. La première conception, la manière traditionnelle de concevoir le handicap est appelée « Modèle Médical du Handicap ». Cette vision est encore persistante dans la plupart des sociétés surtout dans nos pays en voie de développement. Elle considère le handicap seulement comme un problème médical ou comme « quelque chose qui ne va pas » dans un individu. Dans cette perspective, la manière de s’occuper du handicap est simplement d’essayer de guérir ou traiter un problème médical. La seconde, le « modèle social » situe le handicap par rapport à la discrimination dans la société qui crée des obstacles à l’intégration et à l’égalité des droits, plutôt que d’assimiler l’individu à un problème nécessitant un traitement médical ou la charité. En ce qui concerne maintenant les regards, il serait inconséquent de dire que les choses n’ont pas évolué, même si beaucoup reste à faire. Aujourd’hui, si on devait faire une évaluation chiffrée, on peut le dire sans se tromper que 60% des personnes dites normales, voit les personnes handicapées selon le modèle social. Pour ces personnes, la société et l’environnement dans laquelle les personnes handicapées vivent constituent le premier obstacle à leur épanouissement. Pour les 40 autres pour cent, les personnes handicapées sont les parias de la société, des personnes qui ont besoin de charité et incapables de tout. Cette évolution est à l’actif des organisations des personnes handicapées qui à travers les sensibilisations, les plaidoyers sont arrivés à faire plier les décideurs publics au plus haut niveau des institutions internationales. Ces activismes des personnes handicapées ont permis la rédaction et l’adoption de la Convention des Nations Unis relative aux droits des personnes handicapées. Cette Convention ratifiée par notre pays la Côte d’Ivoire depuis le 10 Janvier 2014, est le premier véritable instrument des droits de l’Homme spécifique aux personnes handicapées. Elle promeut leur pleine participation à la vie économique, sociale, culturelle et politique. La Convention fournit les mécanismes les plus efficaces et appropriés pour renforcer les approches inclusives du développement, tant au niveau des stratégies nationales de développement de chaque État, que dans le cadre de la coopération internationale. L’application de la Convention permettra de faire en sorte que les bailleurs et les gouvernements partenaires prennent en compte des éléments fondamentaux du développement inclusif dans leurs actions, tels que la non-discrimination, l’égalité, la participation et la responsabilisation. Au niveau national les choses bougent également même si nous auront espérés avoir plus. Nous profitons de cette lucarne pour remercier son SEM Alassane Ouattara, Président de la République et tout son gouvernement pour les changements notables en faveur des personnes handicapées de Côte d’Ivoire.
Quel est le sens de ses assises ?
Dans le souci d’une amélioration perpétuelle de la situation des personnes handicapées et avec la volonté manifeste de faire de la CAPH-CI une organisation moderne à travers l’actualisation de ses textes et le renouvellement de ses instances pour assurer la mobilisation des équipes, nous organisons les premières assises de la CAPH-CI. Ces assises qui se dérouleront les 24, 25 et 26 février 2022 au centre culturel d’Abobo vont marquer un tournant décisif dans la vie de notre faîtière et dans le monde du handicap en Côte d’Ivoire. Il sera question de faire le bilan, tiré les leçons et plancher sur l’exécution du programme 2022 -2027. Cet évènement sera couplé au dixième (10ème) anniversaire de la structure. Elle va revoir ses statuts, se mettre en conformité en élaborant ses chartes éthiques et le manuel de procédure de cette organisation qui est représentatif sur l’ensemble du territoire ivoirien. Nous nous sommes engagés à porter le combat sur la question du handicap. Faire des sensibilisations et des plaidoyers à l’endroit des gouvernants pour une meilleure prise en compte de la question.
Les enjeux de ses assisses.
L’objectif principal de ces assises est la validation des textes de politique institutionnelle et de plan d’action 2022 – 2027, l’actualisation des textes statutaires et le renouvellement des instances dirigeantes pour une organisation moderne et opérationnelle. Il s’agira spécifiquement de renforcer les capacités de l’équipe dirigeante aux outils de gestion associative. Adopter les textes de politique institutionnelle (la charte d’éthique et le manuel de procédures de gestion administrative et financières). Actualiser les statuts et règlement intérieur. Présenter et faire approuver le bilan des activités du mandat 2016-2021. Présenter le rapport d’activité du comité de surveillance. Adopter le plan d’action 2022 – 2027. Elire les membres et le président du Conseil d’Administration. Elire les membres du comité de surveillance. Investir le Conseil d’Administration.
10 ans d’existence, quel bilan pour la Caph-CI ?
La CAPH-CI, c’est dix ans de promotion, de protection et vulgarisation des droits des personnes handicapées. Ces dix dernières années notre organisation a été à tous les grands RDV de la lutte pour le bien-être des personnes handicapées. Au regard des missions que nous nous sommes assignés dès notre création à savoir : promouvoir et défendre la dignité et la citoyenneté des personnes en situation de handicap à travers des organisations nationales et auprès des pouvoirs publics. Encadrer et accompagner les organisations de et / ou pour personnes handicapées affiliées. Œuvrer pour la pleine et effective participation des personnes en situation de handicap à la vie de la société sur la base de l’égalité avec les autres…Nous avons des raisons d’être satisfaits du travail abattu sur tous les plans. Au plan de la représentativité, la CAPH-CI a pu couvrir tout le territoire national avec 70 points focaux et 47 organisations. Au plan juridique et réglementaire, nous avons pu apporter notre contribution dans la prise des différents décrets et fait des propositions appréciées à travers un mémorandum sur l’inclusion des personnes handicapées dans la société. L’un des évènements majeurs de ces 10 ans reste à n’en point douter la contribution des personnes handicapées au processus du Mécanisme Africain d’Evaluation par les Pairs(MAEP) en Côte d’Ivoire à savoir l’auto-évaluation de la gouvernance, la rédaction du rapport d’auto-évaluation, la rédaction du plan national de gouvernance et l’adoption de celui-ci. Le domaine de l’auto emploi est également une de nos satisfactions car nous avons pu accompagner la formation et l’insertion de plus de 600 personnes handicapées dans l’auto emploi. Nous avons obtenus le recrutement de plus 100 de nos membres diplômés à la fonction publique.
Les chantiers futurs ?
Pour nous les chantiers prioritaires restent : la promotion de la citoyenneté des personnes handicapées. L’accessibilité des personnes handicapées à l’information et aux documents administratifs. L’accessibilité à la santé et aux services de bases. La scolarisation des enfants handicapées. L’autonomisation des personnes handicapées en particulier les femmes et les jeunes.
Pour vous, qu’est-ce que la gouvernance locale ?
La gouvernance locale, c’est organiser le partage du processus de construction de la décision politique. La gouvernance locale a l’avantage d’être plus facilement mise en œuvre et plus efficace qu’une gouvernance à une échelle nationale, parce qu’elle facilite la participation directe des différents acteurs. La proximité est un facteur de participation et il est plus facile de prendre en compte les apports ou les inquiétudes des uns et des autres à une échelle réduite que lors de l’implication de millions de citoyens. La gouvernance locale s’organise sous forme d’un dispositif composé des espaces de concertation, des espaces de co-construction, des espaces de codécision avec des collèges d’associations, d’habitants, d’élus. La gouvernance locale peut contribuer à réduire les inégalités.
Quel est l’enjeu de la participation des personnes handicapées à la gouvernance locale ?
Pour les personnes handicapées, participer à la gouvernance locale revêt plusieurs enjeux, notamment : les changements dans la gouvernance locale; l’amélioration du niveau de participation individuelle des PSH, et la participation collective des OPH, aux prises de décisions qui les concernent; l’amélioration du niveau d’inclusion individuelle des PSH et l’inclusion collective via les OPH, dans les projets locaux; les changements dans l’accessibilité de la localité; m’amélioration du niveau d’inclusion sociale, les changements dans l’accès aux services publics, les changements dans les rôles sociaux.
Absence de gouvernance inclusive, quelles sont les conséquences ?
En l’absence d’une gouvernance inclusive efficace, le risque est de prendre en compte les problématiques d’un seul type d’acteurs (par exemple les acteurs du tourisme), de négliger ou d’aggraver d’autres problématiques (par exemple celles des personnes handicapées) ou encore de ne rien faire. Les dispositifs de gouvernance locale permettent donc d’organiser les acteurs du territoire pour identifier les problématiques à traiter, s’accorder sur les modalités de préservation des ressources locales et définir des règles d’usage et de gestion.
Quels sont les défis à relever à matière de gouvernance locale?
On peut relever plusieurs défis à la participation des personnes handicapées à la gouvernance locale. Entre autres : Le dialogue politique pour la concrétisation de leurs droits, le renforcement de leur citoyenneté, le renforcement de leur pouvoir d’agir, le renforcement du caractère inclusif du système.
Quel est votre mot de fin ?
Pour terminer, nous souhaitons bonne et heureuse année à toutes les personnes handicapées du monde et particulièrement au ivoirien. Bonne et heureuse année 2022 à tous les partenaires sociaux et enfin bonne et heureuse année à notre papa, le Chef de l’Etat, SEM Alassane Ouattara.
Interview réalisée par IzouDine YOUSSEF